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CIGARETTE / MEGOT

 

Presque-roman

Paris

2016

 

Cigarette / Megot a été composé durant les mois d’avril et de mai 2016, parallèlement à l’occupation de la Place de la République par les assemblées de Nuit Debout. Ecrit de façon instinctive et curative, ce texte répond à la fois au besoin de produire une œuvre d’apprentissage, tenue sur sa longueur, et à l’impression de ne pas avoir de lecteurs, de communautés ou d’horizons susceptibles de jauger et de partager mes écrits. Ainsi, pris dans le balancement entre ce printemps plein de brèches politiques et artistiques et l’impression d’être claquemuré dans ma production solitaire, le texte de Cigarette / Mégot s’est lové de lui-même dans les champs de la claustration et de l’impossibilité, comme aimanté par le fatalisme pour mieux s’en défaire à force de divagations autonomes et de mouvements en puissance. L’enfermement y transparait et infuse sous ses différentes formes, d’un enfermement tout d’abord politique, transcrivant les témoignages d’obstruction entendus, dans toutes les langues sociales, à l’occasion de Nuit Debout, enfermement créatif, de par mes doutes récurrent sur les finalités de mon geste et d’où le choix d’une écriture sous contrainte, d’une forme à pistes et casse-tête, enfermement physique aussi, traversé par l’influence des théories foucaldiennes, des Haïkus de prison d’Antoine Volodine et de l’œuvre post-exotique dans son ensemble, mais aussi par l’expérience de cours créatifs donnés en milieu carcéral dont le texte paraphrase les souvenirs mais aussi le vocable administratif et technique à la façon des Héliotropes de Ryoko Sekiguchi, enfermement assoiffé enfin, porté par la narrateur dont les flux de consciences, les admirations artistiques et le désir de renouer avec le dehors dessinent des possibilités minuscules mais peu à peu entêtantes. Ainsi, dans l’infra-ordinaire, ce presque roman de 17500 mots exactement – suivant une nomenclature trouvée sur le site Wikipedia, vise à réduire le livre au passage d’une multitude de voix littéraires et cursives, de Butor à Michaux, étudiantes et précaires, des rapports intimes aux revendications printanières de personnages duplices, de cantonner le quotidien au simple acte de fumer et le temps à la durée de combustion d’un dernier mégot au fil duquel se propagent instantanément des nappes de fumées, de pensées, d’inventions et d’espoirs. Peu à peu, partant d’un décor cendré, borné, et d’un dispositif écrasant, le texte s’échappe de lui-même en devenant alors un refuge vivable, horizontal et infiniment ouvert au sein d’un contexte et d’une identité apparemment immuables et finis, il chiffonne le cours de choses et décore ce carcan de voyages mentaux, de bouts de joliesses et d’aspirations qui, à mesure que la cigarette deviendra mégot, essayant dire et ratant sans cesse, lui permettront d’envisager d’autres mondes.

 

Ce texte est actuellement en cours d’adaptation dans le cadre d’un projet performatif, musical et collectif, calqué sur le modèle des interventions et des prises de risques des rassemblements de la Place de la République.

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